12 janvier 2010 - 12 janvier 2021: Onze ans plus tard, un extrait inédit en la mémoire des victimes.

Le poète est un écorché vif, une âme ardente de verve, de création, et de sensiblerie. Il peut être ce témoin qui nous raconte, nous explique, ou tout nous peindre à la perfection, au millimètre de détail, non sans le charme de son langage tissé pour être ce qu'il est.

12 janvier 2010 - 12 janvier 2021: Onze ans plus tard, un extrait inédit en la mémoire des victimes.

Le 12 janvier 2010, un mardi, a été tout ordinaire, comme les autres jours d'ailleurs, jusqu'à l'orée de l'après-midi où tout a basculé en l'espace de quelques secondes. La Terre a tremblé à Port-au-Prince, plusieurs autres villes de provinces ont senti le choc. Et sur le vif, le poète écrivain Étienne De Saint-Exil , qui avait laissé la capitale haïtienne depuis quelques jours pour se rendre à la métropole du Nord (Cap-Haïtien) pour l'anniversaire de sa mère coïncidant à ce jour fatidique, a du laisser parler sa plume face à cette incommensurable détresse qui s'emparait de tout un pays.

Alors, en cette onzième commémoration de ce séisme dévastateur, Le Courrier de la Nation vous livre en exclusivité, un extrait de cette oeuvre poétique jusqu'ici inédite, Blessures des Murs, comme pour dire « me l'ap fè san ». Plus que jamais, nous portons nos chers disparus dans nos cœurs, et attendons que l'État les honore, non pas par des fleurs ou mémorial, mais en conjurant, par les mesures préventives nécessaires, les tortures que pourrait nous infliger un autre séisme.

Veuillez lire l'un des textes fleuves extrait de cette belle oeuvre, cet opuscule inédit, et apprécier le style et l'immense talent de l'auteur.

BLESSURES DES MURS

Ces rumeurs qui te tuent

           « Savez-vous parler, et parler, sans vous  taire, à la magnitude de mille gueules de chien ?» Ah ! vous êtes rumeuriste-bavard, disciple du palabre mesquin-frivole, attisant en débauche volupté le peu des moindres vagues.
       Vous êtes sosie-piètre des miens : dans mon  pays, les rumeurs tuent plus qu’il n’en est de morts. A tout soleil, ces savants-de-campagne, ils parlent, leurs dents s’effritent dans la voracité de dire, de mettre un i, un si, un vraiment, à tout entendu. D’inventorier des conjonctures de verre, fragilisées. C’est l’art rhétorique-dramatique du verbe, empoisonnant l’auditoire, enclavant l’écorchure entre les sens. Et mon coeur se perd, s’enlise dans ces 

                Caricatures-meutes
                qui
                t’écorchent
                muette
                pendue
        au sexe
        du temps
        telle
        une pucelle
        maladroite
        inhabile-joueuse
        du
        plaisir
        fleuves-errants.
        Le silence
        te blesse
        en tresses
        stress-virevoltant
        qui te tue
        l’effigie
        et
        en moi
        tu meurs meurs
        et meurs
        sous les décombres
        qu’accouchent
        les rumeurs
        bardeaux-ivres
        escaladant
        les murs
        de mes entendus
        et
        le suspens
        furieux maître
        fouetta
        les fesses
        de ma
        gageure-rêve
        de mon
        démon
        alcoolique
        entêtement
        qui se saoule
        du
        vouloir-fièvre
        de te  revoir
        à lune
        et
        soleil.
        Ton ombre
        se déchire
        elle-même
        dans 
        l’insulte
        du silence
        et
        saigne
        en mon sein
        telle
        une rivière
        debout
        pleurante-rieuse.
        Et
        l’attente
        me tiraille
        à coups
        de craintes-sangsues
        qui 
        me baisent
        les entrailles
        à
        chaque pas.
        Dans mon illusion
        têtue-bête
        j’imagine
        ton ombre
        trouée
        prise
        à l’envers
        entre les murs
        écorchés
        qui
        te lèchent
        ombre
        d’entre les cadavres.
        Tu trébuches
        en moi
        ton souvenir
        paré
        de noir
        du noir 
        de tout cela
        titube
        dans 
        mes fantasmes.
        Mais
        la Terre
        ne t’abhorre
        point
        de son
        étreinte
        de t’être légère
        elle te guette
        furieuse
        et
        te laisse partir.

Étienne De Saint-Exil

©?Copyright 2010

L'auteur a dédié ce texte à Rose Claudette ÉTIENNE qu'il croyait morte dans le drame. Elle s'était rendue à Port-au-Prince pour ses études.

Annie FRANÇOIS

 

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