Le barrage de Marion est-il une marionnette? : 1. Dits et Non-dits

Jean André Victor, 3 / 5 / 21

Le barrage de Marion est-il une marionnette? : 1. Dits et Non-dits

Jean André Victor, 3 / 5 / 21

En tirant trop sur les ficelles de l’eau et de l’énergie, le 1er mai 2021, jour de l’inauguration du barrage hydro-électrique de Marion, le prestidigitateur a voulu faire d’une pierre plusieurs coups, après la chute de la caravane des promesses fallacieuses. Pour en tirer le plus de bénéfices politiques possibles, le cabotin s’est payé la tête des spectateurs en jouant sur les dits et les non-dits. Seulement, les premiers, pour la plupart, sont inexacts tandis que les seconds violent le droit à l’information de la population. Somme toute, le magicien a dit ce qu’il ne devrait pas dire et n’a pas dit pas ce qu’il devrait dire.

Crédit Photo : La Présidence

Ce qui a été dit concerne principalement la vision de l’illusionniste, son slogan électoral passe-partout, une comparaison osée entre le barrage de Péligre et celui de Marion et aussi le miroir aux alouettes des terres irriguées. L’homme de théâtre aurait eu l’intention de faire construire douze (12) barrages, n’en a retenu que trois et n’a pu construire qu’un seul. Voilà pour la vision. L’abondance de la littérature disponible sur les possibilités d’irrigation de nos terres arables invite à la prudence et non à l’arrogance. Par exemple, l’idée d’utiliser l’eau de surface à des fins d’adduction d’eau potable a été mille fois discutée dans les colloques et les ateliers de travail sur les ressources en eau. La vision est excellente, mais, elle n’est pas nouvelle.

L’omniscience de l’acteur lui fait dire qu’il sera le premier à mettre ensemble le soleil, la terre, l’eau et l’homme afin d’améliorer la production agricole. C’est une bonne idée, mais la propriété intellectuelle de la formule n’appartient pas à l’enchanteur. En agronomie, ladite formule correspond à une fonction de production bien connue des spécialistes ; en vulgarisation agricole, l’expression a déjà été utilisée, en novembre 2003, par Guéric Boucard. A la vérité, les travaux de Péligre n’ont pas commencé sous l’administration du Président Vincent, mais bien sous celle du Président Magloire, après la signature du contrat de prêt avec la Eximbank conclu par le Président Estimé. En effet, les études de faisabilité avaient été réalisées, en 1950, par la firme Knappen Tippets Abott Engineering Co. La fonction principale du Barrage de Péligre n’est pas, non plus, la production électrique, comme il a été dit, mais
bien l’écrêtement des crues.

S’il est vrai que le barrage de Marion ne peut produire que moins d’un (1) Mw (Mégawatt), il fallait plutôt le comparer avec la mini-centrale hydro-électrique de Drouet (2 MW) établie sur un canal d’irrigation de l’Artibonite ou avec la microcentrale de Délugé-Lanzac (0,8 MW), sa sœur jumelle, et non avec Péligre qui peut produire 54 MW. Si Marion peut irriguer, dans un premier temps, 10 000 Ha et dans un second temps, 20 000 Ha, pourquoi le metteur en scène a-t- il oublié de mentionner le débit d’étiage des sources d’approvisionnement en eau ? Ce qui aurait permis au spectateur avisé de voir si le plumage correspond au ramage.

Le système d’irrigation de l’Artibonite est un tout qui comprend le barrage de Péligre, l’ouvrage partiteur de Canneau (appelé vulgairement barrage), le syphon de Drouet (permettant le transport de l’eau sous la rivière d’une rive à une autre) et plusieurs autres ouvrages d’art d’importance, lesquels sont connectés les uns aux autres pour le bon fonctionnement de l’ensemble. Le vendeur de charme s’est donc trompé deux fois en prétendant que l’ouvrage de Canneau est un second barrage distinct de Péligre.

Marion, selon le directeur de la production du spectacle, aurait coûté dix millions de dollars. Les études de faisabilité avaient prévu quel montant ? Tous les fonds disponibles ont-ils été déjà dépensés. Si le projet a été réalisé en régie, est-ce une raison pour qu’il n’y ait pas de supervision ? Y a-t- il eu une étude d’impact environnemental ? En cas de rupture du barrage, qui doit payer la note en termes de vies
et de biens perdus ? Existe t- il une couverture d’assurance tout risque ? En créant une confusion regrettable entre le discours politique et le message technique, l’homme de théâtre a hypothéqué le futur du barrage. Il faut sauver le soldat Marion. Le prochain article portera sur les non-dits.

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