Qui a assassiné l’ex président haïtien Jovenel Moïse? 1. Les Grands Assassinats de l’Histoire

Haïti est un pays où l’on assassine souvent les candidats à la présidence et rarement les Présidents en exercice. Un candidat à la présidence est un mort en sursis, s’il se déclare comme tel, au mauvais endroit et au mauvais moment. Le bon endroit, c’est quand il est en exil et le bon moment, c’est quand il se fait désigner par le Président en fonction. Quant au Président de la République, il a le choix entre transformer la structure en place pour paver la voie à une révolution imminente ou réaliser, lui-même, la révolution souhaitable. Dans les deux cas, il met sa vie en danger. Mais, pour se faire assassiner, il est sensé bouleverser la structure sociale sans pouvoir la changer.

Crédit Photo: Valerie Baeriswyl
Qui a assassiné l’ex président haïtien Jovenel Moïse? 1. Les Grands Assassinats de l’Histoire

Dans la présente série, les exemples des grands assassinats retenus, sont tirés de l’histoire universelle, de celle de la République Française (RF), de celle des EUA (Etats Unis d’Amérique), la République Etoilée (RE), de celle de la République Dominicaine (RD) et de celle de la République d’Haïti (RH). Dans ce dernier cas, il sera abordé le cas de Jean-Jacques Dessalines, celui de Sylvain Salnave et celui de Jovenel Moïse. En quoi l’ensemble des cas choisis peut-il contribuer à projeter un éclairage nouveau sur la dernière crise trentenaire d’Haïti? La réponse à cette question fera l’objet des sept articles de la série sur les assassinats politiques.

Les grands assassinats de l’histoire du monde permettront de prendre en compte la problématique de l’homme universel. Les meurtres politiques retenus dans les cas de la RF, de la RE et de la RD fourniront l’occasion de réfléchir sur la spécificité des pays avec lesquels la RH est en guerre permanente. Dans le cas de la RH, l’accent sera mis sur le cas de Dessalines qui est le père fondateur de l’Etat Haïtien, sur celui de Sylvain Salnave qui a été assassiné de droit et non de fait puisqu’il a été fusillé en exécution d’un jugement sommaire et sur l’assassinat, le 7 juillet 2021, de Jovenel Moïse. Quelles ont été les vraies motivations des assassins de Moïse ? Sont-ils des malades mentaux, des fous furieux, des idéalistes fanatiques, de froids calculateurs, d’habiles politiciens, des mercenaires bien payés, ou des hommes aveuglés par la passion et/ou la vengeance ?

Les crimes politiques d’autrefois sont différents des crimes politiques d’aujourd’hui, en ce qui concerne notamment le modèle causal. Hier, l’assassin opérait à visage découvert ; de nos jours, l’auteur intellectuel est un OVNI (Objet Volant Non Identifié). L’opération est réalisée par une équipe A et on met en place une équipe B pour contrôler et/ou éliminer l’équipe A. Si malgré tout, la chaine criminelle n’est pas rompue, on applique le théorème de Pasqua qui s’énonce comme suit : quand on est emmerdé par une affaire, il faut susciter une affaire dans l’affaire et si nécessaire, une autre affaire dans l’affaire de l’affaire, jusqu’à ce que personne ne comprenne plus rien. Aujourd’hui, par exemple, l’affaire, c’est le Référendum et les élections de septembre 2021. L’affaire dans l’affaire c’est l’assassinat de Jovenel Moïse. L’affaire dans l’affaire de l’affaire, c’est la cohabitation de deux Premiers Ministres.

Dans son livre les Grands Assassinats de l’Histoire, paru aux éditions de l’Opportun, Luc Mary fait remarquer que la mort brutale des victimes d’assassinat peut faire pardonner les fautes politiques que ces dernières ont commises. Des dictateurs corrompus peuvent être idéalisés. Des réformateurs sans scrupules peuvent être sacralisés. Des révolutionnaires sanguinaires peuvent être divinisés. Bref, les assassinés peuvent être plus importants morts que vivants. La mort de Jovenel Moïse marquera- t- elle la fin ou l’aggravation du cycle de violence qui a endeuillé la république ces trente dernières années ?

Luc Mary, historien de la RF a divisé son ouvrage en trois parties : les régicides les plus illustres, les grands assassinats d’opposants politiques et le siècle meurtrier. Dans le premier chapitre, le cas de Jules César est instructif, à plus d’un titre. Assassiné à Rome, en l’an 44 av J. C.. Caïus Julius Caesar, l’unificateur de l’Italie, le pacificateur de l’Orient et de l’Occident, le triomphateur de la Gaule, le vainqueur de Pompée, ne manquait rien pour devenir le Cosmocrator (le maître de l’Univers). César était passé maitre dans l’art de diviser pour régner, de pardonner pour mieux sévir et de corrompre pour mieux dominer. Il était au faîte de sa gloire quand il a été assassiné. Moins que la volonté politique d’instituer un ordre nouveau, les conspirateurs étaient motivés plutôt par la haine et la jalousie. César pêchait par excès de confiance ; il renvoya sa garde rapprochée avant sa mort, entra seul dans l’enceinte du Sénat et disait à sa femme inquiète de sa sécurité : L’Etat est plus intéressé que moi à mon salut. Un tel excès de confiance a-t- il perdu d’autres présidents assassinés ?

César savait-il qu’il allait être plus grand mort que vivant ? Il a été divinisé sans être sacralisé, dira-t- on. Durant cinq siècles, les empereurs porteront son nom. Le calendrier est modifié à cause de lui, car le mois de Juillet (Julius) porte son nom. En langue créole, César (Seza) est aussi synonyme d’argent. La formule « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu », c’est pour lui ; le salut des gladiateurs « Ave Cesar, ceux qui vont mourir te saluent », c’est à lui ; la phrase latine « Veni, vidi, vici » (je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu), c’est de lui ; l’expression célèbre « Franchir le Rubicon », c’est grâce à lui ; le « toi aussi, mon fils », c’est toujours lui, mais cette fois, c’est le César de la légende, car il est mort sans dire aucun mot et sans pousser un seul cri alors qu’il avait reçu 23 coups de glaive. Tous les Présidents assassinés n’avaient ni la stature ni le génie de
César. Ils ne peuvent donc passer tous dans la Légende. Certains sont entrés dans l’Histoire ; d’autres n’appartiennent ni à la légende ni à l’Histoire. Ils sont tombés dans l’oubli.

Jean André VICTOR, 15 /07 /21


Aucun commentaire

Contributions

Aucun commentaire !

Soyez le premier à commenter cet article.

Même rubrique

Les articles de la même rubrique


Abonnez-vous à notre infolettre

Saisissez votre adresse e-mail pour recevoir une notification par e-mail de chaque nouvel article.

Rejoignez les 3 060 autres abonnés!

Appuyer sur la touche "Entrée" pour effectuer une recherche.

Articles populaires

Paramètre du site

Thème