Qui a assassiné l’ex-président Jovenel Moïse? 7. Il faut assassiner les assassins

De la lecture attentive des six articles précédents, il est possible de dégager les principales conclusions suivantes : l’assassinat politique constitue un phénomène universel à travers le temps et l’espace ; l’excès de confiance des Chefs d’Etat alimente toujours les pulsions criminelles ; la société demeure l’auteur intellectuel des meurtres sans signature, même quand ceux-ci sont commis par des malades mentaux ; moins on assassine les Chefs d’Etat dans certains pays, plus on tue les hommes politiques. En Haïti, où ce dernier constat est la règle, le cacoïsme, institutionnalisé, n’a cessé d’alimenter l’instabilité politique et la pauvreté de masse. Nés dans l’enfer colonial avec les marrons qui vivaient de raid et de rapine, les Kako, sous des noms divers selon les époques (bandes armés, zenglen, piquets, cacos, zandolit, macoutes, chimères, gangs armés, etc), sont utilisés par les hommes politiques pour conquérir ou se maintenir au pouvoir, en lieu et place des institutions démocratiques.

Qui a assassiné l’ex-président Jovenel Moïse? 7. Il faut assassiner les assassins

La RH a toujours été l’otage du cacoïsme (pris au sens large) tandis que la population n’a jamais cessé de subir les exactions des Kako. Contrairement à ce qui se passait au 19ème et au 20ème siècle, les cacos partagent, de nos jours, l’espace de pouvoir avec leurs clients devenus de plus en plus aveugles et de moins en moins courageux. Sylvain Salnave avait refusé de se réfugier à une ambassade étrangère pour sauver sa peau. Aujourd’hui, des
hommes politiques sollicitent bruyamment l’intervention étrangère dans les affaires de la république. C’est pourquoi l’effondrement de la société haïtienne se précise chaque jour davantage. Toutefois, il est possible d’arrêter la descente aux enfers si les élites réalisent que ce jeu criminogène condamne la république à la déchéance, la nation à l’indignité et l’Etat-Nation à la perte de sa souveraineté. La patrie compte déjà deux ennemis intérieurs : les opportunistes qui jouent la carte du sauvetage individuel et les nantis qui ont déjà pignon sur rue dans les avenues de la RD et/ou de la RE. Donc, il faut assassiner les assassins.

Les assassins restent et demeurent la pauvreté de masse, l’ignorance, l’instabilité politique, les inégalités sociales, l’exclusion des paysans, l’impunité et la dégradation de l’environnement. Ce sont les sept java (plaies) historiques de la RH. Pour en finir avec ces assassins, il n’est pas sans intérêt, pour amorcer la pompe, de revisiter les vingt propositions concrètes du Parti Libéral Haïtien (PLH), formulées en 2007, afin de lutter contre la vie chère et le chômage, dans le cadre d’un Programme National de Sauvetage Collectif (PNSC). Dans ces propositions qui tournaient autour de quatre grands piliers (Agriculture et Environnement, Industrie et Infrastructure, Tourisme et Environnement et le
Secteur Social), les voies et moyens correspondants étaient précisés et les conditions de mise en œuvre définies. L’idée était de montrer comment il faut construire les propositions publiques pour qu’elles soient immédiatement applicables. Quand on dit qu’il faut faire le reboisement, améliorer la sécurité publique, augmenter la production nationale, ou rendre justice au Président assassiné, c’est bien, mais avoir des dossiers de qualité, c’est mieux. De la même façon que la stabilité politique ne fait pas bon ménage avec les cacos, le développement économique ne peut fleurir en l’absence de la recherche scientifique.

De 2007 à 2021, deux fois sept ans se sont écoulés depuis et aucune des vingt propositions, distribuées en des centaines d’exemplaires, n’a été mise en œuvre tandis que
la RH n’a cessé de fabriquer la pauvreté, toujours et davantage. L’une des cinq mesures concrètes proposée pour le secteur agricole soutenait qu’il était possible de mettre en valeur
à l’entreprise, 25 000 Ha de terres cultivables actuellement non cultivées afin de faire baisser le prix des produits vivriers sans délai. Un des journalistes, au service du gouvernement d’alors, m’a demandé, avec une pointe d’ironie, où se trouvent ces 25 000 Ha ? Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, les propositions du PLH n’ont jamais fait l’objet d’aucun débat, malgré le fait que rien de pareil n’ait été produit dans cette rubrique, depuis ce jour-là. Aujourd’hui, il est admis qu’une bonne part de ces terres non cultivées existe dans le Plateau Central et accueille, aujourd’hui, en période d’insécurité alimentaire, des cultures non alimentaires. Avec le recul, je me rends compte que, pour avoir la tête hors de l’eau, la RH devra résoudre deux problèmes majeurs, en lien avec l’héritage colonial : primo, la parole de l’expert expatrié (le Blanc) est crue même à preuve du contraire tandis que le dire de l’expert local est rejeté avant même de l’avoir entendu ; secundo, tout ce qui est offert gratuitement pour le bien de la république n’a aucune valeur aux yeux des médiocres et des corrompus. Déjà en 1909, Camille Bruno dans une opuscule intitulée « L’Agriculture et le Budget » parlait déjà d’agriculture intelligente. Ce n’est qu’un siècle après que le concept d’agriculture intelligente a été récupéré par l’Occident.

Alors, je me suis dit qu’un message moins technique pourrait avoir beaucoup plus d’écho dans une société où pullulent les arbres à palabres. Ainsi, j’avais proposé, non comme le Président du PLH, mais comme stratège agricole, une solution relativement simple pour
résoudre le problème de carence en protéines animales. Pour cela, il suffisait, en lieu et place de voitures Mercédès pour transporter des touristes qui ne sont jamais venus, de doter chaque département côtier d’un bateau semblable au type utilisé par les coopérants cubains, lors de la formation accélérée des pêcheurs haïtiens. Là encore, Ti Mari pa monte,
Ti mari pa desann. Entre-temps, la population a su trouver une autre source de protéines
animales en consommant du cheval, en lieu et place de la viande importée, sous quelque forme que ce soit. La faim de protéines animales a provoqué la consommation des équins, des bourriques et des bourricots. La république reste aveugle et ne comprend pas que la sécurité publique est la fille de l’agro-alimentaire. Faute de pouvoir assassiner les assassins, la république aura toujours recours aux cacos pour tuer, incendier, déchouker, massacrer et donner la mort en toute impunité. Après avoir assassiné la république, les
Kako finiront par assassiner la nation.

Jean André VICTOR, 15 /08 /21


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