Révolution à la Guy Philippe, le problème BSAP refait surface

Protecteurs autoproclamés du canal sur la rivière Massacre dès les premières heures de son érection, les agents de la BSAP ont été considérés comme des «héros ». Ainsi, les exactions attribuées autrefois à la Brigade de Protection des Aires Protégées (BSAP) ont été vite jetées aux oubliettes par une frange de la population. Jusqu’à ce Guy Philippe appelle cette direction opérationnelle de l’ANAP à le rejoindre dans sa «révolution».

Crédit Photo: Fierté du Nord. Info.
Révolution à la Guy Philippe, le problème BSAP refait surface

« Kenbe tout timoun lakay nou apati lendi 15 janvye p ap gen lekòl nan tout peyi a. Manman ak papa pitit mare vant. Lagè avèti pa touye kokobe » lisait-on dans une image faisant le tour des réseaux sociaux. Craignant le pire, des parents «prudents » avaient décidé de ne pas envoyer leur progéniture à l’école. La date fatidique, présentée comme jour du début de la « révolution » annoncée par Guy Philippe ne s’est pas déroulée sans incident. Les activités ont été paralysées dans diverses villes du pays. Cayes, Jérémie, Petit-Goâve, Ouanaminthe, Carrefour etc. ont été touchés par des mouvements de protestation, exigeant le départ d’Ariel Henry du pouvoir 30 mois après son entrée en fonction. 

À Ouanaminthe des véhicules ont été mis au travers de plusieurs axes routiers, paralysant le transport en commun en particulier. Des riverains ont pointé du doigt les agents de la BSAP qui, d’ailleurs, ne cachent pas qu’ils sont acquis à la cause de l’ex-rebelle Guy Philippe, qui jure de libérer le pays de cette nouvelle version du régime PHTK.

Le mardi 16 janvier, le Cap-Haitien qui a eu une journée relativement calme la veille, a eu son lot de surprise. Outre le crépitement d’armes automatiques entendu aux première lueurs du jour dans des zones comme Nan Mapou, Nan Pipo, toutes dans la périphérie de la base de la BSAP-Nord, ceux qui devaient, en début de journée, prendre la route Nationale #1 en direction de Plaine-du-Nord ont dû prendre leur courage à deux mains. D’autres villes du pays ont connu la même ambiance, notamment à Jérémie où une foule en liesse a défilé dans les rues, criant ABA ARIEL, Viv yon lòt tranzisyon. Certains membres ont gagné les rues armés de machettes.

À Cap-Haïtien, outre les pneus enflammés et des barricades érigées à certains points de la route, des détonations d’arme ont aussi été entendues dans les parages du complexe administratif et socio-culturel du Nord. Des policiers ont été dépêchés sur les lieux pour faciliter le fonctionnement de l’espace situé à Vaudreuil, entrée Sud de la ville, hébergeant diverses institutions étatiques. Et, encore cette fois, les agents de la BSAP dont la base se trouve dans les parages ont été indexés comme auteurs des faits.

Au cœur de plusieurs scandales, récemment dans l’assassinat d’un citoyen dans la commune du Limbé, la BSAP, direction opérationnelle de l’Agence Nationale des Aires Protégées (ANAP) en matière de surveillance environnementale des unités d’aires protégées et des sites écologiques en Haïti, fait craindre le pire. Cette brigade n’est pas en odeur de sainteté pourtant, des cadres de cette institution ont répondu favorablement à l’appel de Guy Philippe.

Février 2022, le Ministre de l’Environnement, James Cadet a décidé d’annuler tous les badges des agents de la BSAP dans un communiqué publié. La mise sur pied d’une commission interne de screening et de vetting a aussi été annoncée dans la foulée. Près de deux ans plus tard, aucune suite officielle n’a été donnée à cette mesure. Le ministre n’est pas revenu sur sa décision et les agents de la BSAP sont de plus en plus nombreux et de plus en plus visibles dans les rues de certaines villes, alors qu’ils sont affectés à la protection des aires protégées comme le stipule assez bien le nom du corps. 

Combien sont-ils? En janvier 2021, le Ministère de l’environnement et l’ANAP ne s’entendaient pas sur la question. Rien ne laisse présager que la situation ait changé vu que le Ministère a récemment demandé à l’ANAP la liste des agents et équipements de la BSAP. Si le Ministère de tutelle ignore le nombre d’agents de l’institution n’est-il pas de bon de se demander qui la finance? Et surtout, qui la contrôle? Quel sera le rôle de ses agents dans la révolution prônée par l’ancien narcotrafiquant Guy Philippe ?

Intervenant sur la question des armes des agents, janvier 2021, Jeantel Joseph, Directeur Général de l’Agence Nationale des Aires Protégées (ANAP), a fait savoir que ces dernières proviennent du Ministère de l’Environnement. Ce même ministère qui, à la même période avait fait savoir que la BSAP comptait 129 agents au lieu des 1 207 avancés par Jeantel Joseph. Ce dernier avait pris soin de mentionner que le ministère n’était pas concerné par la présence d’agents de la BSAP lourdement armés dans certaines rues du pays ? Il n’a pas démenti l’information mais, comme Ponce Pilate, s’est lavé les mains. Cette attitude du DG ne justifie-t-elle pas le qualificatif de «terroristes» qu’Edler Guillaume avait attribué aux agents de la BSAP en 2021.

Le thème choisi semble être fort ! Pourtant, il a fallu une intervention musclée de plusieurs unités de la Police Nationale d’Haïti dont la BOID, le CIMO et le SWAT pour appréhender plusieurs éléments de la BSAP à Canaan en 2021. L’attaque du sous-commissariat de l’hôpital Justinien à Cap-Haitien pour libérer l’un des leurs, arrêté pour détention illégale d’arme à feu ; les menaces dont a été l’objet le journaliste Jean Rony Augustin ; l’incident impliquant des hommes portant l’uniforme de la BSAP qui ont stoppé, désarmé et dépouillé des policiers à hauteur de Morne Cabrit ; l’arrestation de certains agents lors du passage du cortège présidentiel à Ferrier et tant d’autres faits ont contribué à renforcer la polémique entourant ce corps.

Dans de telles conditions, le positionnement de la BSAP comme potentiel bras armé dans la lutte pour renverser le pouvoir en place fait froid dans le dos. Qu’en sera-t-il du corps après l’intronisation d’un pouvoir élu par le peuple, les élections devant se tenir tôt ou tard? Des agents ont indiqué qu’ils ont payé pour intégrer un corps qui n’offre ni uniforme, ni arme de service, ni salaire. Qu’ont-ils à gagner en réalité?

La BSAP qui a été créée par le décret de janvier 2006 relatif à la gestion de l’environnement, ne rassure pas. Parmi ses agents figurent d’anciens militaires qui ont pris les armes en 2004. Cette situation inquiète plus d’un. La BSAP ne suscite pas toujours de l’admiration. Himmler Rébu, ancien colonel des Forces Armées d’Haïti et ex secrétaire d’État à la sécurité publique, avait déclaré identifier des similitudes entre ce corps et le Front Révolutionnaire Armé pour le Progrès d’Haïti (FRAPH). Ce groupe paramilitaire avait terrorisé la population et auquel on attribue le massacre de près de 4 000 haïtiens après le Coup d’État de 1991.L’implication de la BSAP dans les projets de Guy Philippe, son lourd passé et l’opacité liée à son financement, son armement ainsi que son réel commandement ont fait ressurgir des cadavres laissés dans le placard depuis la crise frontalière liée à la construction du canal haïtien sur la rivière Massacre.

 

Stevens JEAN FRANÇOIS


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