Pré-fac, espace d’apprentissage ou d’intimidation ?

Par rapport aux lacunes et au manque d’orientation après les examens du baccalauréat, la majorité des élèves de la classe terminale qui veulent participer aux différents concours d'entreé à l'Université, sont obligés de s’inscrire dans une pré-fac. Un choix qui va les aider à mieux se préparer pour les concours des différentes facultés. Cependant, à l’idée de motiver les postulants-es, certains-es accompagnateurs-trices utilisent la violence verbale et psychologique en plus des différents cours dispensés dans les pré-facs. Une pratique qui porte atteinte à la dignité humaine des postulants-es.

Pré-fac, espace d’apprentissage ou d’intimidation ?

Crédit Photo : www.prefac.com

Les concours pour accéder à une place à l’Université d’Etat d’Haïti ne sont pas toujours faciles. Ce sont les plus motivés-es et déterminés-es qui y trouvent une place. Parfois, les postulants-es sont obligés-es de faire des choix qui s'opposent à leurs filières d’études étant en classe terminale, ce qui amplifie la nécessité de bien maitriser les différentes matières en rapport avec les options choisies.

Par ailleurs, dans l’objectif d’aider les postulants-es à faire beaucoup plus d’efforts afin de réussir les concours, la majorité des accompagnateurs-trices utilisent des mots, des gestes ayant rapport à la violence verbale et psychologique. Janes, professeur dans une pré-fac de Médecine explique les raisons de ces comportements jugés importants pour les postulants-es. «  Je crois que dans la majorité des cas, les postulants-es ne comprennent pas la grandeur de la lutte de préparer un concours pour l’UEH. La majorité d’entre-eux-elles ne prennent pas à cœur le processus. Pour cela, nous sommes obligés de les intimider pour les aider à être beaucoup plus motivés ».

Ces violences  verbales et psychologiques sont manifestées par des hurlements, des injures ayant rapport à la capacité des postulants-es, des propos dévalorisants, dégradants ou des sarcasmes, des regards et des paroles dans le but de blesser ou de les contrôler émotionnellement. Parfois, ils-elles les obligent à dire des paroles humiliantes sur leur propre personne. De plus, les accompagnateurs-trices les humilient en pleine salle de classe par rapport à leurs imperfections dans la réalisation des tests et des devoirs.

Une pratique mal vue par les postulants-es

Malgré la motivation des postulants-es pour réussir aux concours, ils-elles croient que ces pratiques sont inhumaines. «  Je veux réussir dans l’une des facultés, mais je crois que les méthodes de motivation utilisées par les accompagnateurs-trices sont inhumaines. On nous traite comme des bêtes. On nous humilie devant toute la salle », révèle Sacha, une postulante dans une pré-fac de médecine. Sacha n’est pas la seule à se plaindre de ces comportements. Junie, 17 ans, adolescente vivant dans une famille respectant la dignité des enfants, seslamente sur ces pratiques qui la dévalorisent. «  A la maison, on m’a appris à étudier et à travailler pour assurer ma réussite, mais sans des propos humiliants. Je n’ai jamais imaginé qu’un jour on pourra m’appeler zannimo, bourik  juste pour me réprimander pour des devoirs mal faits ».

Ces pratiques ne sont pas sans conséquences sur les postulants-es. Parfois, ils-elles sont obligés-es d’abandonner la préparation des concours pour aller s’inscrire dans une université privée malgré leur faible moyen économique. Mario, un ancien postulant qui a abandonné une pré-fac par rapport aux différentes violences subies, en veut encore aux accompagnateurs-trices parce qu’il est obligé d’abandonner ses études dans une université privée faute de moyen. « J’ai laissé la pré-fac après avoir été victime d’une violence psychologique où l’accompagnateur me traitait de chien. J’ai beaucoup pleuré. Apres, j’ai décidé d’abandonner les cours. Cette situation m’avait découragé ce qui a causé mon échec aux concours. Ainsi, j’étais obligé de m’inscrire dans une université privée, mais deux ans après, je n’ai pas eu les moyens pour payer les frais », avoue t-il.

Chama, une ancienne postulante, raconte que les comportements de quelques  accompagnateurs-trices l’ont rendu contente après son échec aux examens officiels. « J’étais tellement stressée lors de la préparation du concours, je ne pouvais même pas me concentrer sur les notes et les devoirs. Apres la publication des résultats du baccalauréat, j’ai appris que j’étais ajournée. Cette nouvelle m’a beaucoup soulagé car j’allais laisser la pré-fac », témoigne t-elle.

La complexité du fait

Le système éducatif haïtien est critiqué par plus d’un. Manque d’orientation pour les élèves, ils-elles ont de grandes difficultés pour réussir les concours d'admission à l’Université, car les examens sont accessibles aux mieux orientés. Ainsi, les postulants-es sont obligés-es de se surpasser pour trouver une place dans l’une des facultés. De plus, dans la majorité des cas, les postulants-es viennent de plusieurs villes de province. Ils-elles sont obligés-es de se séparer de leurs familles biologiques, vivant avec des inconnus ou des membres de leur famille avec qui ils-elles n’ont pas un lien sécure, ce qui a des conséquences sur leur état émotionnel.

Aucun espace d’apprentissage ne marche de pair avec l’intimidation, quelque soit les raisons qui peuvent l’occasionner. Les victimes se sentent honteux-euses et coupables parce qu’ils-elles ne parviennent pas à faire face à la situation, ce qui les rend anxieuses et malheureuses. L’intimidation peut démotiver la victime jusqu'à occasionner des cas d’abandon.     Une situation très présente dans les pré-facs.

La motivation est le résultat d’un processus d’encouragement répétitif. Ce processus qui doit prendre en compte la valorisation des efforts du sujet et la sanction des travaux  mal faits. Toutefois, la sanction devrait être des actions pouvant encourager le sujet à faire beaucoup plus d’effort en s’accentuant sur ses lacunes. En ce sens, les accompagnateurs-trices pourraient sanctionner les postulants-es en les  donnant des devoirs en guise d’injures.

*Les noms mentionnés se sont des noms d'emprunt.

Widelie Carlvanie OLIBRICE

Psychologue/ Journaliste

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