Petites histoires modernes d’Haïti : Numéro 1 : Toto, l’avocat.

Diplôme en poche, Toto était plus que motivé de se battre contre l’injustice, de défendre les plus démunis. Mais il n’a pas oublié cette promesse de sortir contre la misère. Alors quand on vint lui offrir sa première affaire sérieuse, il prépara son dossier avec le plus grand soin et son plaidoyer était des plus remarquables. Ce jour-là, Toto se sentit pousser des ailes. Mais lorsque le juge le convoqua à son bureau en présence de l’avocat de la partie adverse, il découvrit la vraie face de la justice haïtienne. Le juge n’avait aucune envie de perdre la somme qu’on lui avait proposée, et Maître Toto devait juste négocier son prix avec l’autre avocat. La carrière de grand défenseur des pauvres de Maître Toto prit fin avant même de commencer. Il négocia un bon prix et accepta de perdre le procès.

Au fil des années, Maître Toto devint un plus fin négociateur, changea de quartier. Il maîtrisait dorénavant tous les rouages du système. Il avait des policiers pour rédiger le procès-verbal en sa faveur. Des juges également étaient dans son réseau. Mais Maître Toto voulait encore plus. Comment faire de l’argent sur des dossiers bien trop compliqués à corrompre? Où les preuves étaient bien trop évidentes? Il trouva une solution parfaite. Avec des juges et des agents de la prison, il créa une combine des plus efficaces. Il y avait tellement de dossiers dans les tiroirs des juges. Tant de prisonniers qui croupissaient en cellules sans espérer voir un juge un jour. Une manne pour Maître Toto. Le dossier d’un de ces prévenus était choisi, la cause était alors défendue et un jugement favorable au prévenu était rendu avec ordre de libération immédiatement. Tout ceci, sans que le prévenu en question ne fut au courant. Et avec la complicité des gardiens de prison, son client était libéré à la place du prévenu. Ni vu, ni connu. Son système avait encore de très longues années devant lui. Et pendant ce temps, des gens attendaient encore un jugement déjà rendu.

Combien des clients de Toto avaient repris leurs activités ? Combien d’innocents étaient morts sous les balles de ces condamnés ? Maître Toto avait juré de sortir de la misère et tout le reste n’avait aucune importance. Et dans sa voiture aux vitres teintées, Maître Toto fila à vive allure. Non, la misère ne l’attraperait jamais …  

Cette histoire serait bien triste si elle était vraie. N’est-ce pas?

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